La coopération UE-Chine, rempart contre une nouvelle guerre froide ?

Par : Thomas Moller-Nielsen | EURACTIV.com 

Selon le chargé d’affaires de la Mission de la République populaire de Chine auprès de l’Union européenne (UE), Zhu Jing, une coopération continue entre Pékin et Bruxelles est cruciale pour éviter une nouvelle guerre froide, et peut-être même un conflit mondial.

Dans un discours prononcé à Bruxelles mardi 22 octobre, Zhu Jing a souligné que les conflits actuels en Ukraine et au Moyen-Orient signifient qu’il n’est plus certain « que la paix et la stabilité générales établies après la Seconde Guerre mondiale puissent encore être maintenues ».

Pour le haut responsable chinois, « la forme que prendra le monde à l’avenir dépend largement du choix de la Chine et de l’Europe »« Tant que la Chine et l’Europe opteront pour le dialogue et la coopération, une nouvelle guerre froide ne verra pas le jour et la paix mondiale sera préservée », a-t-il soutenu.

Ses commentaires s’inscrivent dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes entre la Chine et les pays occidentaux au sujet des liens de plus en plus étroits entre Pékin et Moscou, et du statut de Taïwan, une île autonome que Pékin considère comme faisant partie de son territoire.

Son discours intervient également sur fond de craintes croissantes des capitales européennes quant à une éventuelle réélection de Donald Trump lors du scrutin présidentiel du 5 novembre aux États-Unis. Le candidat républicain a exprimé à plusieurs reprises son ambivalence à l’égard de l’OTAN, l’alliance militaire où Washington exerce une influence considérable, et il a également prévenu qu’il pourrait imposer des droits de douane généralisés sur les importations s’il réintégrait la Maison-Blanche.

Dans une allusion à peine voilée aux États-Unis, Zhu Jing a salué la Chine et l’Union européenne comme étant « deux forces majeures qui font avancer la multipolarité », et a souligné que Bruxelles et Pékin devraient « s’unir pour soutenir le libre-échange » et promouvoir un développement économique commun.

« Il n’y a pas de différences qui ne puissent être surmontées, pas de désaccords qui ne puissent être résolus », a énuméré le représentant chinois, ajoutant que « l’essentiel est d’avoir la volonté politique et la détermination nécessaires ».

Les avertissements de Zhu Jing ont été repris mardi par l’ancien commissaire européen au Commerce et directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, qui a souligné la « nécessité » de maintenir des canaux de communication ouverts entre Bruxelles et Pékin dans un contexte de fortes turbulences géopolitiques.

« L’Union européenne […] a été construit[e] pour la paix », a déclaré le Français, ajoutant que « le problème est que la paix n’est malheureusement pas la caractéristique principale du monde d’aujourd’hui ».

« Si vous regardez les chiffres, vous verrez que nous n’avons jamais eu autant de conflits armés depuis 1945. C’est une sonnette d’alarme… une sorte de coup de semonce pour l’Union européenne, [qui] doit maintenant se transformer en quelque chose qui [a] la capacité de défendre ses intérêts et parfois ses propres frontières », a-t-il poursuivi.

Les responsables politiques de l’UE devraient évaluer soigneusement les conséquences d’une réduction des échanges commerciaux avec la Chine et ne pas faire d’excès de zèle, estime le président de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale.

Réduire efficacement les risques

Malgré les appels au renforcement de la coopération et du dialogue, Zhu Jing a critiqué la politique commerciale adoptée par Bruxelles.

À compter du 30 octobre, la Commission imposera des droits de douane allant jusqu’à 35,3 % sur les véhicules électriques fabriqués en Chine afin de compenser les subventions publiques déloyales reçues par les concurrents chinois. Une mesure décriée par la partie chinoise.

Dans une allusion indirecte au différend sur les véhicules électriques, Zhu Jing a mis en garde contre le fait que « blâmer des facteurs externes pour des problèmes internes et répondre aux défis par des mesures antimondialisation ne fera qu’avoir un effect contraire ».

« Seules l’ouverture et la coopération permettent de réduire efficacement les risques. »

Malgré les avertissements du représentant chinois, les tensions commerciales entre Bruxelles et Pékin devraient persister dans les années à venir.

Dans un rapport sur la compétitivité de l’UE commandé par la Commission européenne et présenté en septembre, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a décrit la Chine comme un « fournisseur à haut risque » de matières premières essentielles et a condamné les « surcapacités » de Pékin en matière de technologies vertes.

Le technocrate italien, dont les propositions devraient fortement influencer la politique de l’Union au cours de la prochaine législature quinquennale de la Commission, a également exprimé un soutien provisoire aux droits de douane dans des secteurs stratégiques spécifiques, une proposition qui a suscité l’ire de Pékin.

Maroš Šefčovič — le futur commissaire au Commerce pour la législature 2024-2029 qui doit encore être confirmé par le Parlement européen — a également été chargé par la présidente de l’exécutif européen de poursuivre la politique officiellement affichée par l’UE, qui consiste à « réduire les risques sans pour autant se dissocier » de la Chine.

Le rameau d’olivier tendu par Zhu Jing dans son discours fait suite aux déclarations de plus en plus fermes des capitales européennes et de Pékin ces derniers mois.

Lors d’un sommet de l’OTAN en juillet, les membres de l’Alliance ont décrit la Chine comme un « catalyseur décisif » de la guerre menée par la Russie en Ukraine et ont noté que Pékin « continue de poser des défis systémiques à la sécurité euro-atlantique ».

Ces propos ont été vivement condamnés par la Chine, qui a dénoncé la déclaration de l’OTAN comme étant « empreinte de la mentalité de la guerre froide et d’une rhétorique belliqueuse ».

Les États membres de l’UE opposés à la proposition de droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques fabriqués en Chine n’ont pas réussi à bloquer leur adoption lors d’un vote décisif du Conseil ce vendredi 4 octobre, ouvrant la voie à l’imposition définitive de la surtaxe d’ici la fin du mois.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]