Trump face au reste du monde – Guerre des boutons

LA PLANÈTE ÉCONOMIQUE A TREMBLÉ l’espace d’un week-end. L’annonce le samedi 1er février par Donald Trump de superdroits de douane ciblés sur trois pays, puis la volte-face du président américain dès le lundi, après un accord express avec le Mexique et le Canada, a de quoi faire réfl échir. Et doucher l’enthousiasme des grands patrons français qui, de retour des Etats-Unis, avaient loué l’ambiance probusiness qui y règne. Car c’est une étonnante balle dans le pied de l’économie américaine que Trump avait tirée : un impact sur le PIB d’au moins 1 point, avait déjà calculé le Peterson Institute, sans compter une inflation qui repartait à la hausse, compte tenu de l’imbrication des chaînes de production de la première puissance mondiale avec ses deux grands voisins. Dans l’industrie automobile par exemple, les coûts allaient mécaniquement grimper de 4 %, et parfois davantage – 40 % des modèles vendus par Stellantis aux Etats-Unis sont fabriqués au Mexique ou au Canada ! Nul doute que ses lobbyistes aient transmis l’information pendant le week-end au joueur de golf de Mar-a-Lago.

Peu importent les risques, assurent les néoadmirateurs de Trump, puisque le « Tariff-man » a obtenu, en contrepartie de la mise en pause de cette « guerre commerciale désastreuse », dixit le Financial Times, exactement ce qu’il voulait, notamment de la part des Mexicains sur le passage des clandestins. « Les droits de douane sont en train de devenir le couteau suisse de l’économie mondiale, constate amèrement Pascal Lamy, l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le soi-disant moyen de résoudre tous les problèmes : immigration, réindustrialisation, déficits commerciaux, recettes budgétaires… » Trump avait même imaginé que son External Revenue Service nouvellement créé allait collecter de quoi financer les réductions d’impôts promises à des électeurs crédules ! Rien de tout cela ne tient évidemment la route. Et ce ne sont pas les menaces du chef de l’exécutif américain qui vont stopper le développement du commerce mondial : celui-ci devrait encore progresser de 3 % en 2025, selon l’OMC, et se situer à un niveau supérieur de 20 % à celui constaté avant la pandémie de Covid, n’en déplaise aux tenants de la démondialisation. « Les Etats-Unis ne font que 15 % des échanges de marchandises, rappelle Lamy. Mais il serait utile que les pays représentant les autres 85 % se mobilisent pour marquer leur attachement à ce monde globalisé. Et leur refus des méthodes mafieuses de Washington pour imposer son point de vue. » S’il ne s’agissait de l’homme le plus puissant de la planète, on serait tenté plutôt d’évoquer La Guerre des boutons. L’Europe, qui sera « absolument » la prochaine cible, dixit Trump, garde en tout cas secrète sa riposte. Comment négocier autrement avec un roi du bluff ?