Pascal Lamy est coordonnateur des Instituts Jacques Delors (Paris, Berlin, Bruxelles). Il a été Commissaire européen et Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Il revient sur les conséquences des « absurdités » de Donald Trump.
Challenges : Que penser des annonces de Donald Trump ?
Pascal Lamy : On savait que Trump 2 serait pire que Trump 1, mais pas à ce point… Ses annonces sur les droits de douane n’ont aucun sens. Droits bilatéraux différenciés, fin de la franchise à 800 dollars pour les colis commandés sur internet, certificats d’origine géographique obligatoires, exclusion de la valeur ajoutée américaine dans le calcul des droits : la mise en œuvre de ses annonces créerait un bazar bureaucratique ingérable et un gros désordre.
Sans bien sûr parler des conséquences sur l’économie américaine, que l’on a tendance à sous-estimer, alors que l’on surestime, je crois, l’impact sur le reste du monde. Tout cela est absurde. Rappelons tout de même les deux précédents historiques de bouffées protectionnistes aux États-Unis : le Smoot-Hawley Tariff Act de 1930 et la présidence de William McKinley (1897-1901). Des désastres qui ont abouti à plonger les Etats-Unis en récession. Après avoir quitté le pouvoir, McKinley – l’idole de Donald Trump – avait d’ailleurs avoué qu’il avait commis une tragique erreur économique en relevant les droits de douane.
Donald Trump est-il déterminé à appliquer ses droits de douane, ou est-ce une posture de négociation ?
Les deux, il ne croit qu’aux rapports de force et pense que les droits de douane sont une arme à tout faire, une sorte d’énorme couteau suisse. Mais des cordes de rappel vont probablement jouer. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell n’a pas caché que les décisions du gouvernement américain créaient une situation à risque. Reste à savoir combien de temps il va pouvoir rester en poste… Wall Street (la finance NDLR), Main Street (les consommateurs et les entreprises) et le Congrès devraient finir par freiner aussi.
Rappelons que selon l’article 1 de la Constitution américaine, les traités de commerce sont de la compétence du parlement. La grogne semble gagner certains élus du parti républicain, qui vont avoir du mal à « vendre » un regain d’inflation et la baisse des marchés boursiers à leurs électeurs.
L’autre corde de rappel, moins puissante, est, bien sûr, la réaction internationale. Trump a tapé si fort que les partenaires commerciaux des Etats-Unis vont devoir se concerter et coopérer. Après l’effet de sidération, on a par exemple vu le Japon et la Corée se rapprocher de la Chine.